Matexpo : Confédération Construction, Fema/Feproma et Fediex ont la parole

Comment se portent la construction belge et ses secteurs connexes en 2017 ? À l’occasion de Matexpo, nous avons posé la question à trois grandes fédérations sectorielles : la Confédération Construction, Fema/Feproma (négociants et producteurs de matériaux de construction) et Fediex (extraction et granulats). Nous leur avons posé quatre questions :

  1. Comment évolue la conjoncture dans votre secteur ?
  2. Quel est le principal défi de votre secteur en 2017 ?
  3. Quel a été l’impact de la taxe kilométrique sur les entreprises ?
  4. Donnez un exemple de la manière dont la digitalisation a déjà modifié votre secteur ?

 

Robert de Mûelenaere (Confédération Construction) : « Les métiers lourds seront remplacés par de nouveaux métiers de haute technologie. »

 

  1. Selon les chiffres de l’Institut des Comptes Nationaux (ICN), le secteur de la construction a enregistré une croissance de 3,5% en 2016. Cette progression a été un catalyseur important pour la croissance économique globale (+ 1,2%) en Belgique. Depuis le deuxième trimestre 2016, l’augmentation du volume des activités de construction est toutefois de plus en plus lente. D’après une analyse basée sur les changements les plus probables de la demande, nous prévoyons une croissance d’environ 1% en 2017. La forte expansion de début 2016 était dès lors exceptionnelle, un nouveau renforcement des exigences PEB fin 2015 ayant contribué à anticiper de nombreux projets de construction. Par catégorie, nous pressentons un statu quo pour les particuliers (+0,3%), une baisse de 2 à 3% dans le non-résidentiel, une croissance de 1,8% dans la rénovation et de 5% dans le génie civil (route et infrastructure). Nous observons donc que les pouvoirs publics sont le secteur qui soutient la construction cette année, un phénomène récurrent à l’approche des élections communales.
  2. Le maintien de l’emploi dans la construction en Belgique. L’an dernier, une croissance supérieure à 3% était nécessaire dans le secteur pour y parvenir, mais avec une progression de seulement 1% en 2017, l’emploi est sous pression. Nous constatons par ailleurs que le nombre de travailleurs détachés augmente, tandis que celui des salariés diminue. Jusqu’à 70% des emplois vacants sont confiés à des travailleurs étrangers. Cette évolution nous inquiète énormément. En 2016, le nombre de travailleurs détachés a augmenté de 11%. Cette hausse se poursuit en 2017. Nous avons par contre perdu 2% (4000) de travailleurs salariés par an de 2012 à 2016. Ce scénario se poursuivra probablement en 2017. La solution ? Une baisse des charges, comme le prévoit le budget pluriannuel. Elle devrait être activée en 2020 au plus tard, mais nous demandons instamment aux autorités de l’appliquer dès à présent. Le Bureau fédéral du Plan vient de confirmer que cette mesure aurait un impact positif et durable sur l’emploi (25.000 emplois), les prix et le pouvoir d’achat.
  3. La taxe kilométrique engendre un surcoût qui varie de 0,2% à 0,8%, en fonction du sous-secteur et de sa présence sur la route. Pour les marchés publics postérieurs à la taxe kilométrique, l’impact est limité, mais il s’agit malgré tout d’une hausse des coûts. Ces coûts supplémentaires se répercutent dans nos offres. Dans les contrats en cours, c’est un problème car nous n’avions pas prévu la taxe. Dans les contrats privés comme dans les marchés publics, la taxe est souvent récupérée en tant que ‘circonstance imprévisible’, un concept admis dans chaque contrat. Le ministère flamand des Travaux publics a dès lors décidé que les entrepreneurs pouvaient prétendre à une hausse forfaitaire de 0,5% de leurs prix nets. Une copie du décompte de la taxe kilométrique suffit pour apporter la charge de la preuve
  4. Building information model (BIM), une révolution pour nos entreprises de construction. À l’avenir, un chantier pourra être intégralement conçu numériquement. Cet outil permet aussi plus de précision et de proximité dans la collaboration, et des gains énormes en termes d’efficacité. Le risque d’erreurs est largement réduit. De notre côté, nous allons devoir nous adapter au niveau de nos compétences. Les métiers ‘lourds’, moins nécessaires, vont disparaître au profit de nouveaux métiers de haute technologie qui rendront le secteur de la construction plus attractif.

Marnix Van Hoe (Fema/Feproma) : « La taxe kilométrique a du bon. »

  1. Le secteur des matériaux de construction ne connaît plus la crise depuis les années 1980. C’est assez atypique pour la construction, mais pratiquement aucun de nos membres ne se plaint. Il est vrai que la rénovation représente une bonne part de notre chiffre d’affaires. Cette catégorie augmente encore, contrairement à ce que les chiffres (qui ne tiennent pas compte des rénovations ne nécessitant pas de permis) laissent penser. En 2017, notre chiffre d’affaires est de nouveau en hausse de 4 à 5% par rapport à 2016. Et les perspectives sont même meilleures que les années précédentes. La tendance actuelle est d’apporter une valeur ajoutée aux matériaux, avec plus d’explications, de services et de conseils
  2. L’impact de l’Europe : les limitations et obligations s’intensifient constamment. Les performances énergétiques doivent s’améliorer. Des déclarations de performance sont déjà nécessaires pour 36 groupes de produits. Le but est de s’assurer que le matériau répond aux attentes du marché. Nos négociants doivent apprécier cela correctement et offrir des services complémentaires et des conseils à leurs clients. L’application de ces directives va devenir une priorité, tant pour les pouvoirs publics qui doivent les imposer que pour le négociant.
  3. Nos marges sont déjà inférieures à 2%. Et nous sommes dans un pays de services complets en ce qui concerne les matériaux de construction : nos négociants ont leur propre matériel de transport (8000 camions pour le secteur de la construction à lui seul) pour livrer les produits au client. Nous construisons aussi d’une manière différente, plus diversifiée que dans d’autres pays. Nous avons beaucoup redouté la taxe kilométrique, mais nous nous rendons compte qu’elle n’est pas si catastrophique car chaque négociant doit en tenir compte. L’un a redéfini ses zones de livraison, l’autre a modifié son prix au camion, d’autres encore appliquent tout simplement leurs tarifs plus strictement
  4. La transformation digitale est probablement le principal défi de notre secteur. Numériser et intégrer en toute transparence les noms et les informations des produits est une tâche ardue. En outre, nous remarquons que les clients aiment aussi acheter en ligne. Des acteurs étrangers moins chers, comme Alibaba, envahissent notre marché. Pour assurer leur avenir, les négociants doivent être actifs en ligne, digitaliser leur gamme de produits, adapter leur logistique et trouver une solution pour les paiements. On aura toutefois toujours besoin de show-rooms car les clients veulent voir physiquement le produit. Mais il faudra les réaménager de manière plus interactive.

Michel Calozet (Fediex) : « Nous observons une très grande demande pour les premiers mois de 2017. »

  1. Le secteur des granulats est évidemment étroitement lié au secteur de la construction. Pour les chiffres, nous nous basons donc aussi sur les perspectives de la Confédération Construction. Les chiffres qu’ils avancent sont corrects. Nous enregistrons effectivement une hausse, malgré les problèmes d’emploi dans la construction, que nous ressentons moins en raison du caractère productif de notre secteur. Chez nos membres, la demande a été très importante durant les premiers mois de 2017. L’évolution est plus positive que d’habitude. Une année record se prépare et nous espérons une croissance de 3 à 5%, selon la manière dont se déroulera le reste de l’année
  2. Notre secteur est très dépendant des pouvoirs publics et des décisions politiques. Nous avons besoin de deux choses : un plan de secteur définissant clairement les zones d’extraction pour l’avenir et plus de personnel dans les départements concernés. Nous constatons par exemple que les permis d’environnement prennent souvent du temps parce que les pouvoirs publics manquent d’effectifs. Or, il est primordial pour nous de savoir si nous pourrons obtenir les permis et où nous pourrons extraire des granulats
  3. Notre priorité est que les pouvoirs publics investissent les 600 millions de recettes de la taxe kilométrique là où nous en avons le plus besoin : dans l’amélioration et l’entretien de l’infrastructure routière. Ensuite, notre secteur est par nature très dépendant du transport : nous devons livrer nos granulats directement chez le client final. En ce qui concerne l’impact direct de la taxe kilométrique, nous n’avons pas encore assez de recul. Notre secteur possède peu de matériel roulant et sous-traite la majeure partie de son transport. De nombreux contrats étaient déjà signés avant l’introduction de la taxe. Fediex a cependant planifié une étude en février 2018, lorsque les chiffres complets de la taxe kilométrique seront connus. Mais quid par exemple d’un camion qui fait Tournai-Bruxelles pour livrer, et poursuit ensuite sa route vers Malines ou Gand ? Comment les coûts seront-ils calculés ? La crainte est que nos producteurs ne puissent pas récupérer 100% des surcoûts engendrés. Et il y a aussi la question de l’impact de la taxe kilométrique sur l’emploi. Théoriquement, il sera peut-être plus avantageux de faire livrer un produit à Nieuport par un fabricant de Boulogne en France, plutôt que par un fabricant de Tournai
  4. Parallèlement au digital, le papier reste important dans notre secteur. Nous allons devoir nous pencher sur cette question dans le futur.

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