Ronny Joos (Groep Gheys) : les vertus du travail d’équipe

C’est une petite révolution qui a eu lieu chez Gheys : les quatre frères qui constituent la troisième génération familiale ont laissé la direction générale de leur groupe à un manager extérieur à la famille. Mais Ronny Joos entend conserver à Gheys ses qualités familiales, en misant notamment beaucoup sur le travail d’équipe. « Nous traversons une période-clé de l’histoire de l’entreprise », explique le nouveau CEO. « La troisième génération familiale est toujours très active, mais la quatrième n’est pas encore prête. D’autre part, nous sommes engagés dans une vaste démarche de professionnalisation. C’est ce qui explique que j’ai été nommé CEO après avoir passé quatre ans ici comme responsable financier. » Croissance organique Ancien réviseur d’entreprise, Joos n’avait pas hésité longtemps avant d’accepter la première proposition des frères Gheys : « Ca a été le coup de foudre. J’ai immédiatement vu que Gheys est une très belle entreprise qui a encore beaucoup de potentiel. » Depuis des années, Gheys a maintenu le cap de la croissance, mais sans faire de vague. « Nous ne sommes pas connus pour être des spécialistes des reprises spectaculaires, poursuit Joos, bien que nous l’ayons fait un jour avec Huver. Mais il faut suffisamment de synergies pour qu’une reprise se justifie. Ce n’est pas juste une question de volumes supplémentaires. » La croissance récente de Gheys a donc été organique, et a permis d’équilibrer les pôles ‘transport’ et ‘logistique’ qui représentent aujourd’hui chacun environ la moitié du chiffre d’affaires. En 2017, le pôle logistique grandit toutefois plus vite que le pôle transport, et ce ne sont pas les derniers investissements annoncés qui vont renverser la tendance. A commencer par un nouveau terminal conteneurs le long du Canal Albert à Beringen, conjointement avec l’opérateur néerlandais BCTN. Méfiance face aux propositions ‘Bulc’ La branche ‘transport’, de son côté, continue à se développer, mais à un autre rythme. « Notre profession est et reste ‘transporteur’, mais c’est une activité à faible marge, et nous nous contentons de suivre l’évolution de la demande de nos clients », explique Joos. « Pour l’instant, cette demande est en progression, mais nous n’en voyons pas encore l’impact positif sur les prix de transport, parce que la pénurie générale de chauffeurs ne s’est pas encore répercutée à ce niveau-là. » Après une année 2016 très dense, le premier semestre 2017 a été un peu décevant en transport. « Notre secteur d’activité est très cyclique, explique Joos. Mais depuis juillet, nous constatons une reprise. De toute façon, il y aura un problème structurel de capacité. » Gheys travaille toujours à l’international, ce qui ne simplifie pas les choses. « Notre plus grand problème est de trouver les bonnes personnes, et les chauffeurs en particulier. En Pologne, c’est à peine mieux : les salaires y augmentent en moyenne de 6 à 7 % par an. Notre sous-traitant local n’a pas trop de problème pour recruter, mais c’est parce que les chauffeurs retournent chez eux toutes les deux semaines. Cela a un impact sur le prix de revient, mais les chargeurs veulent toujours obtenir le prix de transport le plus bas possible. A salaire égal, ce n’est pas tenable, mais chez nous, il n’est pas question de laisser des chauffeurs bloqués loin de chez eux pendant six semaines. » Et Ronny Joos de plaider pour une baisse des charges salariales en Belgique… et de s’inquiéter des propositions gouvernementales qui vont refiscaliser les plus-values réalisées sur la revente de matériel roulant. « On verra où cela nous mène à la fin de l’année fiscale… », conclut-il, philosophe. De même, les propositions de modification de la législation européenne formulées par les Commissaires Bulc et Theyssen le laissent sceptique. « Tout le monde a protesté quand la France et l’Allemagne ont imposé leurs salaires minimums et les complications administratives qui vont avec, mais maintenant on a l’impression que ces complications vont devenir la norme. Chaque pays aura-t-il le droit d’imposer ses règles administratives ? Où est l’unité de l’Europe ?  Il faut évidemment voir cela en relation avec l’évolution possible des règles sur le cabotage, et là, c’est encore moins clair. C’est plein de pièges cachés : comment va-t-on établir le lieu exact où chaque chauffeur est employé ? Comment les règles vont-elles s’appliquer à quelqu’un qui fait rouler un sous-traitant en Belgique ? Et même si on paie un salaire belge à un chauffeur extérieur quand il roule en Belgique, qu’en sera-t-il des cotisations de sécurité sociale ? » Derrière cette vague de questions, c’est aussi tout le travail administratif supplémentaire que ces nouvelles règles impliqueraient qui inquiète le chef d’entreprise. Même l’arrivée prochaine du nouveau tachygraphe intelligent (couplé au GPS) ne rassure pas Joos : « Si le chauffeur doit toujours recevoir le salaire le plus élevé entre le salaire minimum du pays où il travaille et le salaire de son pays d’emploi, les Belges resteront désavantagés dans tous les cas ! » Le gros potentiel de Beringen Si en matière de législation, un transporteur comme Gheys subit les choses plus qu’il ne les provoque, il n’en va pas de même en matière de mobilité. « Avec les heures que nous perdons chaque jour dans les files, notre rendement est en forte baisse. Sur certaines liaisons, nous sommes passés de trois trajets par jour à un trajet et demi. Cela fait des années que ça dure à Anvers, et c’est une des raisons pour laquelle nous investissons tant dans la navigation intérieure. L’autre raison est que notre principal client, la pétrochimie, est en pleine transition. A partir de 2018, l’Europe va recevoir des flux importants à l’importation en provenance d’usines situées aux Etats-Unis, aux Emirats, en Russie et même en Iran. Résultat : auparavant, nous ne servions qu’à stocker des surplus de la production européenne, mais demain nos silos et nos entrepôts serviront de stock-tampon entre les autres continents et l’Europe. » C’est là que se justifie pleinement le rachat stratégique de l’ancien site de Dow Chemicals à Tessenderlo. Nous sommes en 2013, et ce site trimodal est alors inoccupé. Il va donc être redéveloppé en 2018 pour accueillir un nouveau terminal à conteneurs et de nouveaux entrepôts. Mais un nouveau terminal à conteneurs dans le Limbourg, n’est-ce pas un terminal de trop ? « Non, estime Ronny Joos. Aujourd’hui, nous travaillons déjà avec BCNT à Meerhout pour environ 10.000 conteneurs par an. Mais avec l’augmentation du trafic à Meerhout, la congestion guette là aussi. D’autre part, le terminal de Meerhout est situé à 15 km de chez nous, et cela génère des coûts supplémentaires. A Beringen, nous serons implantés à quai. Et la meilleure preuve que notre nouveau terminal a du sens n’est-elle pas que BCTN nous accompagne ? Notre terminal sera d’ailleurs ouvert à d’autres clients, et nous pourrons y traiter jusqu’à 50.000 TEU par an, dont au moins 25.000 pour nos propres trafics. » Le site de Beringen va par ailleurs aussi s’étendre sur le plan logistique. « En plus des 90.000 m2 d’entrepôts existants, nous allons construire 35.000 m2 supplémentaires de l’autre côté à court terme. Le parc de silos va aussi passer de 200 à 300 pièces. L’an dernier, il y avait trop de silos disponibles, et cette année, c’est le contraire. Mais nous investissons surtout dans ces silos pour le long terme : les délais de livraison sont aujourd’hui d’une année complète ! En tout, d’ici à la fin 2018, ce sont pas moins de 25 millions d’euros que nous allons investir », explique Joos. Ambitions internationales Se pose aussi la question de la taille critique de l’entreprise. « Dans notre secteur, Katoen Natie est l’incontestable numéro 1 mondial. Dans le secteur des polymères, nous sommes numéro 2 dans le Benelux derrière Katoen Natie, mais nous croyons à nos forces et à notre potentiel. Ce qui continuera à nous distinguer, c’est une forme de dynamisme et de flexibilité que seule une entreprise familiale peut offrir. Nous ne sommes peut-être pas en mesure de capter les plus grands flux, mais ce n’est pas un problème. Le reste nous convient très bien, et avec notre propre flotte de 250 véhicules, nous pouvons fournir un service complet aux clients. » Comment Ronny Joos, à peine installé dans sa fonction de CEO de Gheys Group, voit-il alors ‘son’ entreprise évoluer dans les cinq années à venir ? « Pour l’instant, nous sommes encore un acteur local. Nous devrions faire quelques pas de plus à l’international, et je pense que cela se fera en lien étroit avec un projet mené par un de nos clients. Par ailleurs, nous allons poursuivre notre démarche de professionnalisation, avec un renforcement des structures de direction et de l’expertise externe. D’une manière plus générale, je souhaiterais aussi que le secteur soit mieux représenté. Nous sommes pour l’instant incapables de nous unir pour obtenir un peu d’oxygène. Trois fédérations, c’est deux de trop… Et si on faisait comme le secteur de la construction ? » Malgré l’échec récent des dernières tentatives de rapprochement entre fédérations, la question peut toujours être posée…

 

Group Gheys en bref

  • Actionnariat : 100 % familial
  • Direction : Ronny Joos (CEO), Ruben Swerts (CCO), Jan Mertens (COO logistique), Gunther Vanzeir (HR), Dirk Gheys (COO Transport), Bert Gheys (CIO), Luc Gheys (CTO)
  • Activités : transport, logistique
  • Spécialités : transport par silos, transport de conteneurs, multimodal
  • Chiffre d’affaires 2016 : 63 millions EUR
  • EBITDA 2016 : 13,8 millions EUR
  • Personnel : 517, dont 412 en Belgique
  • Infrastructure logistique : 110.000 m2 d’entrepôts, dont 20.000 à Mol et 90.000 à Beringen, 300 silos (Beringen)
  • Flotte : 220 tracteurs dont 85 MAN, 60 Volvo, 60 DAF, 15 Iveco + 375 semi-remorques dont 280 silos, 65 porte-conteneurs et 30 bâchées

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