Me Jurgen Van Grasdorff : « Il n’existe pas de définition du dumping social »

Quelle est votre définition du dumping social ? JvG : La collaboration avec ou l’attribution de missions à des entrepreneurs étrangers peut se dérouler de façon parfaitement légale. Et ceci ne peut tout simplement pas être assimilé à du dumping social. Un pouvoir adjudicateur ne peut en principe pas refuser d’attribuer, par le biais d’une adjudication, un travail à un entrepreneur étranger présentant le meilleur prix, pour autant que ce dernier puisse justifier ce prix qui peut sembler anormalement bas. Mais dans ce cas non plus, on ne peut affirmer que ces pouvoirs publics participent au dumping social. Quand est-il alors question de dumping social ? JvG : Un certain nombre de conditions sont attachées à l’emploi de travailleurs étrangers sur le territoire belge. Il n’est question de ‘dumping social’ que si l’employeur étranger ne tient pas compte des règles de protection obligatoires minimales qui sont d’application en Belgique pour toutes les entreprises. Pensons ici notamment aux périodes de travail et de repos maximales, au nombre minimum de jours de congé payés, aux salaires minimum (y compris les indemnités pour les heures supplémentaires), aux conditions de mise à disposition des travailleurs (notamment par les entreprises de travail intérimaire), à la santé, à la sécurité et à l’hygiène au travail… Il n’empêche que les employeurs étrangers bénéficient parfois d’un avantage compétitif par rapport aux employeurs belges… JvG : Certes, mais n’oublions pas que la Directive 96/71/CE vise aussi à lever les obstacles à la libre circulation des services et donc à favoriser l’exercice du droit fondamental aux services transnationaux. Ce droit fondamental, fixé dans l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, ne peut être limité que dans des cas exceptionnels. Qui fait en réalité l’objet du dumping ? JvG : Souvent, on admet que le dumping social porte sur l’exploitation des travailleurs ‘pauvres’. Pourtant, cette hypothèse est, semble-t-il, loin d’être correcte dans de nombreux cas. Un travailleur roumain, employé en Belgique, reçoit par ex. un salaire mensuel de 400 euros payé par son employeur roumain. Vu qu’il est employé à l’étranger, il reçoit en plus une indemnité journalière de, par ex., 50 euros. Le ‘salaire’ du travailleur atteint alors généralement 1600 euros, lequel se situe au-dessus du salaire minimum belge. Dès lors, il n’est pas question de dumping social selon la définition que semble en tout cas lui donner la Cour européenne. L’employeur qui emploie le travailleur belge à ce salaire devra payer des contributions sociales (bien) plus élevées que celles déboursées en Roumanie par l’employeur roumain. De plus, le travailleur roumain aura finalement davantage en poche, étant donné qu’il ne sera imposé que sur 400 euros alors que l’impôt (des personnes physiques) que devra payer le travailleur belge sera calculé sur 1450 euros par mois. Où se trouve dès lors la solution ? JvG : Le ‘Plan pour une concurrence loyale’ reconnaît l’importance d’une baisse conséquente des coûts salariaux dans le secteur belge de la construction, de manière à retrouver de la compétitivité. La question est de savoir s’il faut s’en réjouir. Cela ne va-t-il pas dans le sens d’une ‘race to the bottom’ redoutée du point de vue du droit social ou de l’érosion de l’état providence induite par l’Europe avec la libéralisation économique sans prévoir simultanément une harmonisation sur d’autres plans

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