Ludovic Vanoverberg, patron-chauffeur : « L’important ? Tracer sa route ! »

Après trente secondes de conversation, Ludovic Vanoverberg me lâche « On se vouvoie ou on se tutoie » ? La glace est brisée. Il est comme ça, Ludovic : spontané, franc, au contact facile.  Et ça m’arrange. Notre homme va pouvoir se confier sur ce qui le pousse tous les jours à prendre le volant et sur les réalités d’un métier à part.   A 39 balais, Ludovic Vanoverberg affiche 17 ans de métier au volant d’un poids lourd, dont une décennie à son compte. Réaliste, la tête bien en place, il se confie volontiers sur une route qu’il s’est tracée à la force du poignet. « Dès l’âge de 15 ans, je quittais le domicile familial », nous confie-t-il. « J’ai d’abord travaillé de longues années dans le secteur Horeca. Des bars, des bars de nuit, des discothèques… C’est là que j’ai rencontré le beau-fils d’un transporteur qui m’a demandé s’il n’était pas temps que je change de vie. Son discours m’a interpellé. Quelques jours plus tard, je m’inscrivais au FOREM pour passer mon permis poids lourds. »

Plus sûr en solo

Une fois son permis en poche, Ludovic a roulé pour des patrons. Deux ans en produits chimiques, puis 5 ans en containers. Il a ensuite passé sa capacité professionnelle. Par volonté d’indépendance, entre autres. « Je trouve que la vie est moins compliquée en Belgique pour un indépendant que pour un ouvrier. Nous avons la chance de vivre dans un pays où celui qui veut travailler a la possibilité de gagner sa vie correctement. C’est en tout cas mon point de vue. J’ai donc demandé à ma femme si elle était d’accord que j’achète un camion. Elle m’a dit de faire à mon idée et je me suis lancé. Cela fait 10 ans que ça dure et cette configuration en solo me convient très bien. Un de mes potes a 5 camions et son père en a 15. Ils sont complémentaires et ont trouvé un mode de fonctionnement efficace. A côté de cela, j’ai vu des gens autour de moi augmenter leur parc de quelques unités pour tout perdre au final. La génération d’avant a pu construire quelque chose mais, vu la conjoncture et les mentalités actuelles, je pense qu’il est devenu extrêmement risqué de vouloir grandir à tout prix. Je préfère être sûr d’avoir 50 EUR dans ma poche que d’être dans l’incertitude d’en avoir 100…  »

La rentabilité d’abord

Basé à Hérinnes (Pecq) sous la bannière de sa sprl, Transluben, Ludo pratique le transport de containers maritimes en liaison avec le terminal d’Avelgem, le port d’Anvers, celui de Rotterdam et tout le nord de la France. Inutile de chercher sur son DAF XF 460 ch Euro 6 les échappements chromés, le pare-buffle, les trompes inox ou la ribambelle de déflecteurs. Il n’est pas fan de déco. « La seule adaptation que j’ai, c’est une rampe de phares. Et ce n’est même pas moi qui l’ai demandée », s’amuse-t-il. « C’est mon concessionnaire TH Trucks Tournai qui me l’a installée en me certifiant que c’était plus beau comme ça ! Moi, ce que je recherche, c’est uniquement la rentabilité. Cela passe par la fiabilité du véhicule et un bon contact avec mon concessionnaire pour résoudre rapidement un problème s’il se présente. Je t’avoue que quand je vois que des gars lâchent plus de 120.000 EUR pour un véhicule, ça m’échappe. On a beau avoir une Porsche ou une 2CV, on est tous dans les bouchons de la même manière. Je trouve même ça contre-productif car cela biaise la perception du secteur. Si l’on voit à la télé une manif’ de transporteurs avec des camions plus clinquants les uns que les autres, comment veux-tu que le grand public n’ait pas de doutes sur les difficultés de notre métier ?  »

Ludo le Bienheureux

Des difficultés que Ludo juge pourtant bien réelles. A commencer par les importantes charges financières qu’il faut assumer, surtout lorsque le paiement de ses prestations se fait attendre. Un phénomène qui ne s’arrange pas avec le temps. « Avec l’OBU, on est devenus encore un peu plus la vache à lait du gouvernement. Par ailleurs, les contrôles répétitifs, tant en Belgique qu’en France, sont assez éprouvants. On se sent comme la bête noire de la circulation. Si tu dépasses ton temps de conduite de 15 minutes pour pouvoir rentrer chez toi et que tu te fais arrêter, c’est 150 EUR sans discussion possible. Le rapport avec les automobilistes n’est pas toujours facile non plus, en particulier en ville. Mais beaucoup de gens ne se rendent pas compte que s’ils peuvent faire leurs courses dans les magasins, c’est notamment grâce à nous. Et puis, le camion est souvent pointé comme la source de tous les maux, y compris la pollution. Mais par rapport à son poids, il pollue moins que la plupart des voitures ! On roule à l’AdBlue, mais personne n’en parle. Les médias n’évoquent jamais les efforts faits par le secteur pour apporter sa pierre à l’édifice dans le respect de l’environnement. Si l’on acceptait de les reconnaître et de les communiquer au grand public, notre image en sortirait grandie et notre métier serait reconnu à sa juste valeur. » Ne le croyez pas d’humeur bougonne pour autant. Celui que ses copains appellent parfois « Ludo le Bienheureux » est résolument de nature positive et optimiste. «  J’ai voulu être indépendant. J’ai choisi cette voie-là et, même si je me demande parfois si je referais la même chose si je pouvais repartir de zéro, je pense que j’aime mon boulot ! »

L’instit’ de mon fils ? Connais pas !

« Je rentre chez moi tous les jours. Je suis conscient que, dans ce métier, c’est une chance. Cela dit, les horaires sont souvent compliqués. J’ai un fils de 10 ans. Souvent, quand je rentre le soir passé 20h00, il est déjà au lit. Je ne le vois pas le matin non plus parce que je dois démarrer vers 3h00 du matin. Je ne connais même pas son institutrice. On ne s’est jamais vus… Il est aussi difficile de planifier une vie sociale dans ce métier. Avec mon épouse, si on veut prévoir une sortie entre amis le vendredi soir et que je me retrouve à Anvers avec un container bloqué en douane ou dans les bouchons, tout tombe à l’eau. Cela m’est arrivé tellement de fois qu’on évite maintenant de planifier quoi que ce soit. Heureusement, j’ai une femme extraordinaire qui comprend ce que je fais et accepte beaucoup de choses. Comme elle travaille dans l’administration, elle a des horaires fixes, ce qui apporte une forme d’équilibre à notre vie familiale. Par ailleurs, elle m’aide beaucoup dans les tâches administratives liées à mon activité. » Métier difficile donc, mais Ludovic Vanoverberg ne se plaint pas. Il part du principe que rien n’est gratuit. D’ici quelques années, quand il regardera derrière lui, c’est un regard fier qu’il jettera sur son parcours. Et quoi qu’il arrive, il n’aura pas de regrets.

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